Le projet d’Esprit du Vent est né dans le courant des années 90, suscité par le regain d’intérêt pour la culture indienne d’Amérique grâce notamment à des films comme Danse avec les loups de Kevin Costner (1990) et Le Dernier des Mohicans de Michael Mann (1992). Je pensai ainsi que le moment était venu d’aller plus loin sur la narration de ce sujet. J’intégrai dans la série le personnage de Poe, sosie de l’écrivain Edgar Allan Poe, aux côtés du héros Ned Ellis, un soldat qui non seulement change de camp pour celui des Sioux Lakota, mais devient leur chaman.

Je voulais en quelque sorte gommer des idées reçues : James Fenimore Cooper (auteur du roman fondateur du western épique, avec Le Dernier des Mohicans) et Edgar Allan Poe, nouvelliste et romancier, étaient très opposés, d’un point de vue littéraire. Le premier soutenait que son pays, l’Amérique pouvait (et même devait) trouver dans la littérature de la Frontière la singularité des racines nationales alors que l’autre, au contraire, soutenait que la culture américaine était née du mélange de plusieurs cultures et plus particulièrement d’une racine européenne et ne devait pas rester centrée sur les idéologies nationalistes.

Les filons littéraires nés de leurs influences diverses, nous les avons toujours posés séparément : d’un côté, l’Ouest, de l’autre, les racines de la culture puritaine de la Côte Est. Aventures de la Frontière d’une part ; gothique, horreur, terreur et mystère de l’autre. Deux chemins parallèles, mais bien distincts. La subtile particularité était que d’autres écrivains comme Stephan Crane ou Ambrose Bierce,  par exemple, avaient chacun à leur manière souvent suivi ces deux voies.

Gianfranco Manfredi dans les annees 80

© Sergio Bonelli editore, Bruno Ramella

Plusieurs de leurs histoires avaient déjà été transposées en bandes dessinées dans les pages du magazine Creepy. Dès lors, pouvait-on réécrire et raconter l’Ouest différemment, flirter ainsi avec la face obscure et visionnaire, narrer non seulement fusillades et bagarres, mais aussi y intégrer des fantômes ? La seule manière de le savoir était d’essayer. J’étais déjà en train de travailler sur Esprit du Vent quand, comme par miracle, sortit au cinéma Dead Man, de Jim Jarmusch (1995). Le personnage principal, Will Blake, est recueilli par un indien lettré qui l’identifie comme étant le grand poète anglais William Blake. Il l’accompagne dans son voyage initiatique à la découverte d’une « autre » culture. Ce film me conforta dans mes choix, et pas qu’un peu ! Cela sous-entendait que mon idée n’était pas une lubie passagère ni un concept isolé.

 

De plus, le dessinateur que j’avais souhaité (et obtenu par mon éditeur, Sergio Bonelli) pour le premier titre de la série était José Ortiz, qui avec son style maîtrisé du noir et du blanc très subjectif s’adaptait parfaitement pour transposer cette atmosphère de la frontière aux limites de la réalité historique et de son expression visionnaire.

 

À Bruno Ramella (créateur graphique du personnage) et à Giuseppe Barbati, qui formeront ensemble le socle graphique de cette nouvelle série, j’ai confié les épisodes qui mêlaient à la fois la tradition du western crépusculaire à la Sam Peckinpah et celle des films de genre Zombie.

La série commença avec ces trois dessinateurs et beaucoup d’autres se joignirent à eux par la suite : Pasquale Frisenda développera l’approche gothique et sombre de l’Ouest que nous voulions représenter et Goran Parlov exploitera quant à lui l’aspect romantique du héros, Ned Ellis.Jusqu’à l’arrivée, au moment où la série prenait son envol, d’un casting d’artistes de talent, tels Ivo Milazzo (1), (créateur de la célèbre série Ken Parker et influence reconnue pour une génération entière de nouveaux dessinateurs), Corrado Mastantuono (également réalisateur des couvertures après Andrea Venturi et Pasquale Frisenda), Luigi Piccatto, Stefano Biglia… et sur la fin, Darko Perovic, qui prendra les rênes de la dernière saison des aventures de Ned Ellis.

Entretemps, les épisodes se succédèrent, laissant apparaître une tension de plus en plus soutenue. L’histoire des Indiens des Grandes Plaines et plus généralement, celle des États-Unis d’Amérique (en particulier celle des années 1870), est devenue le fil conducteur de la série. Le chapitre culminant, et je ne crois pas démentir ici le verdict des lecteurs, est l’histoire narrée en cinq épisodes qui relate la guerre des Black Hill et la mort du chef indien Cheval Fou (2).

Esprit du Vent s’est exporté dans plusieurs pays et sa diffusion internationale continue encore aujourd’hui. Après sa sortie aux États-Unis, chez l’éditeur Epicenter Comics de San Diego, la série est arrivée en Inde chez Lion-Muthucomics. Aujourd’hui, elle revient en France, et j’en suis ravi.

Je vous souhaite une agréable lecture avec le salut rituel indien : Mitakuye Oyasin, ce qui en langue dakota signifie “Nous sommes tous frères”.

Gianfranco Manfredi

ESPRIT DU VENT, LA SÉRIE.

Western fantastique et crépusculaire.

Un Blanc adopté par les Sioux et devenu chaman grâce à sa faculté de lire le futur !

Pour les Blancs, Ned Ellis est un rebelle, un renégat, un tueur. Pour les Sioux Lakota qui l’ont recueilli, amnésique, c’est un guerrier, un homme étrange et inquiet, respecté de toute la nation indienne sous le nom d’Esprit du Vent. Willy Richard, dit Poe, est l’inséparable compagnon d’aventures d’Esprit du Vent. Journaliste cultivé et fragile, il est persécuté par les hommes de pouvoir pour ses courageuses enquêtes politiques.Luttant au côté du peuple indien pour sa survie, Esprit du Vent mène également une étonnante quête spirituelle entre rites antiques, transes libératoires et prémonitions.

Aves ses héros et ses légendes, la saga d’Esprit du Vent vous fera revivre l’épopée de l’Ouest, tragique et sanglante, conquérante et victorieuse. Notre héros devra lutter contre des hommes faits de chair et de sang : tueurs, politiques véreux, envahisseurs et profiteurs en tous genres, fossoyeurs d’une civilisation dont ils précipitent irrémédiablement le déclin. Mais il devra aussi vaincre des ennemis bien plus dangereux : fantômes vengeurs, esprits malveillants, créatures mystérieuses qui ne peuvent être combattus avec des armes traditionnelles.

(1) Cette série italienne des éditions Bonelli ne compte pas moins de 130 épisodes développés en un ou plusieurs chapitres et un hors-série. Nous avons pris le parti, comme à l’époque de sa première parution aux éditions Mosquito, de faire paraître en priorité les épisodes mis en images par un même dessinateur dans des histoires autoconclusives et qui ne dénaturent pas la compréhension de la saga. À l’époque, Pasquale Frisenda avait étrenné avec talent cette collection que nous reprenons aujourd’hui avec les épisodes écrits pour Ivo Milazzo (onze au total).

(2) Nous publierons prochainement cet épisode dans une version intégrale en deux volumes de 250 pages chacun, sous le titre La Guerre des Black Hill.